Les systèmes éducatifs ont besoin d'un alignement pour l'enseignement et l'apprentissage des compétences du 21^ème siècle.

Helyn Kim, Esther Care et Alvin Vista 

(Traduit de l’anglais par Maty Gueye)

Note de l’éditeur: Ce blog est un résumé de notre nouvelle publication " Education system alignment for 21^st century skills: Focus on assessment ", qui est disponible ici. Il s’agit du premier billet d'une série sur le sujet.

L'éducation au 21^ème siècle n'est pas pareille à celle au 20^ème siècle. Nous entendons souvent parler de l'évolution du paysage de l'éducation, mais la vraie question est de savoir en quoi elle est différente. Au cours des deux derniers siècles, l'éducation a été le principal mécanisme par lequel les individus acquéraient des connaissances et des concepts fondamentaux. Cependant, la société contemporaine exige que les systèmes éducatifs donnent aux apprenants la capacité d'aller au-delà de l'apprentissage des connaissances et des concepts fondamentaux pour les utiliser et les appliquer dans le contexte socio-culturel de leurs sociétés. En d'autres termes, le 21^ème siècle a connu un changement majeur dans les objectifs d'apprentissage (en anglais) - les secteurs de l'éducation formelle dans tous les pays du monde veulent que les apprenants acquièrent des compétences qui leur permettent de penser de manière critique et créative, de résoudre des problèmes complexes, de prendre des décisions fondées sur des preuves et de travailler en collaboration. Le principal problème auquel sont confrontés les pays est donc de savoir comment mettre en œuvre un programme efficace de développement de compétences du 21^ème siècle qui mette l’accent sur l'enseignement, l'apprentissage et l'évaluation pertinents en conformité avec les objectifs éducatifs en évolution.

Que faut-il pour intégrer le développement de compétences du 21^ème siècle dans les systèmes éducatifs?

En bref, ce qu'il faut, c'est aligner ou faire converger les différentes composantes du système – programme d'études, évaluation et pédagogie – au bénéfice de l'apprentissage des apprenants. La figure 1 illustre cette convergence – ce que vous voulez que les apprenants sachent (objectifs d'apprentissage du curriculum) est reflété par les types de tâches qui indiquent si les apprenants ont atteint les objectifs d'apprentissage (évaluation), ce qui reflète à son tour les activités et les stratégies (pédagogie) en classe qui renforcent les objectifs d'apprentissage et préparent les apprenants aux évaluations.

Figure 1. Alignement des composantes du système éducatif

Lorsque les composantes sont mal alignées, l'apprentissage peut être compromis. Par exemple, considérons le scénario suivant :

• L'objectif d'apprentissage est que les apprenants apprennent à faire preuve d'esprit critique et à comparer et analyser les déclarations de divers auteurs, mais les stratégies pédagogiques ne font que demander de faire des résumés des déclarations des auteurs, et l'évaluation ne porte que sur l’appréhension de quel auteur a fait quelles déclarations. Par conséquent, la tâche ne donne pas aux apprenants la possibilité d’atteindre l'objectif d'apprentissage, et l'évaluation ne peut donc pas mesurer la pensée critique ni la comparaison et l’analyse.

Comme le montre l’exemple ci-après, lorsque les composantes du système sont mal alignées, les changements apportés à une composante (p. ex. : la réforme du curriculum) peuvent n'apporter que peu d'améliorations à l'apprentissage des apprenants si les autres composantes du système, comme l'évaluation et la pédagogie, ne sont pas ajustées en conséquence. Ce qui mène à produire des résultats qui sont bien en deçà de ce qui était prévu.

Pourquoi l'alignement est-il si difficile et que peut-on faire ?

L'alignement entre le curriculum, la pédagogie et l'évaluation suppose en fait qu'il y a une compréhension des objectifs d'apprentissage spécifiques, mais quand il s'agit des compétences du 21^ème siècle, une telle compréhension reste encore à réaliser. Que signifie penser de façon critique ? À quoi ressemble la trajectoire de développement de la pensée critique ? Quelles devraient être les attentes du niveau d'études en matière de pensée critique ? L'absence de réponses à ces questions, parmi tant d'autres, pose des défis pour l'alignement des composantes du système éducatif et l'intégration du développement de compétences du 21^ème siècle. Dans notre document publié aujourd'hui, nous soulignons trois recommandations clés :

• Tout d'abord, il faut commencer par poser des questions de base et comprendre la nature des compétences du 21^ème siècle. Quelles sont les composantes, les sous-composantes, les processus et les sous-processus liés aux compétences comme la pensée critique, la collaboration et la résolution de problèmes ?
• Deuxièmement, une fois que l'on comprend la nature évolutive de ces compétences, il faut faire la différence entre les niveaux de compétences. Une approche possible consiste à utiliser des cheminements d'apprentissage, c'est-à-dire des parcours qui décrivent la façon dont les apprenants maîtrisent habituellement un domaine particulier d'apprentissage ou des compétences.
• Troisièmement, pour saisir ce que les apprenants sont capables de faire et en rendre compte, les évaluations des compétences du 21^ème siècle devraient être authentiques, c'est-à-dire refléter ce que les apprenants seront appelés à faire dans des situations de la vie réelle, au-delà de leurs études.

Par où commencer ?

Notre document donne des exemples d'efforts de réforme menés aux Philippines, en Australie et au Kenya pour saisir l'évolution des objectifs d'apprentissage et aligner leurs systèmes éducatifs. Le principal moyen de transformer les objectifs d'apprentissage a été la réforme des programmes d'études. Toutefois, l'initiative Optimiser l'évaluation pour tous met l'accent sur l'évaluation en tant que stratégie visant à aligner les composantes du système éducatif sur les objectifs changeants. Étant donné que l'accent mis sur le développement de compétences du 21^ème siècle est relativement nouveau, il est encore trop tôt pour confirmer quelle approche est la plus efficace. 

Une récente conversation avec M. Ung Chinna, Directeur du Département de l'assurance de la qualité de l'éducation au Ministère de l'Éducation, de la Jeunesse et des Sports du Cambodge, nous apporte un certain optimisme : « Nous n'avons jamais pensé, auparavant, aux compétences du 21^ème siècle telles que la collaboration ou la pensée critique. Il y a beaucoup de problèmes lorsque nous incorporons ce genre de compétences...mais nous devons commencer quelque part... Les nouvelles choses représentent un défi pour nous, pour tout le monde, mais je pense que tout le monde convient avec moi que les compétences du 21^ème siècle sont très utiles. »  Son message est clair : si nous voulons atteindre nos objectifs d'apprentissage, nous devons commencer quelque part. Les défis associés à l'intégration des compétences du 21^ème siècle dans l'enseignement, l'apprentissage et l'évaluation sont nombreux, mais ces défis nous offrent aussi des occasions d'apprendre.

Caricature adaptée de Henrik Kniberg (https://blog.crisp.se/2016/05/30/henrikkniberg/misalignment)